La permaculture ou l’art de cultiver son jardin:
Première approche :
L’usage du terme “permaculture “ qui commence à se répandre dans notre langage peut être considéré comme un éveil des consciences traduisant une volonté de préserver notre bien commun : la terre et de promouvoir des méthodes de culture permettant, à court terme, de vivre ou de survivre.
En effet, malgré les statistiques tout aussi alarmantes que les résultats de nombreuses études et manifestes en faveur de l’environnement, il apparaît que des pénuries alimentaires pourraient frapper, dans quelques années, les populations humaines dont la démographie galopante devrait accentuer la surexploitation des sols et de leur tréfonds.
Pourtant, au dix-huitième siècle, Voltaire nous invitait déjà, en conclusion de son conte philosophique “Candide “ « à cultiver notre jardin » c’est-à-dire cultiver nos savoir-faire, à faire fructifier ce que la vie nous a donné afin de permettre l’avènement d’un monde meilleur où l’homme prendrait enfin son destin en main.
Depuis le “siècle des lumières ‘’, des évolutions technologiques industrielles, médicales témoignent sans doute, d’améliorations dans le confort de vie de certaines populations mais sont-elles pour autant synonymes d’une plus grande harmonie et d’un plus grand partage entre les êtres humains ?
On est en droit d’émettre des doutes quand on constate que les conséquences de ces “évolutions “ conduisent au gâchis des ressources, au développement débridé des profits et des pouvoirs, à l’appauvrissement de certaines populations permettant le mieux-être de certaines autres jusqu’à l’excès, à des déséquilibres environnementaux irréversibles, en particulier au plan climatique ?
Mais au-delà de ces constats et des expressions – transitions écologique, empreinte carbone, développement durable, respect de la biodiversité, préservation des ressources qui envahissent les discours jusqu’à l’écœurement, qu’en est-il de la volonté réelle de changer la volonté réelle de changer les habitudes de production et d’exploitation des ressources à l’échelle de la planète ?
Cependant, malgré cette agitation “intellectuelle ‘‘, stérile des groupes de personnes ont intégré dans leur système de pensées et leur organisation de vie, une philosophie de vie du respect de la terre et des hommes.
“Ces nouveaux paysans‘‘ ont opté pour un nouveau mode de vie qui s’enracine sur trois grands principes :
– Prendre soin de la terre ;
– Prendre soin des hommes ;
– Partager équitablement les ressources.
Ces valeurs fondamentales qui devraient garantir la cohésion et l’harmonie entre les hommes les principes directeurs de la perma culture.
Le concept de permaculture est né en Australie vers les années 1970. Il a été formulé par Bill Mollisson et David Holmgren qui se sont fortement inspirés de l’observation des peuples aborigènes.
Dans leurs ouvrages, les auteurs visent à promouvoir une agriculture pérenne pour l’autosuffisance, et les exploitations de toutes tailles !
Dans la conséquence de ces principes, il s’agit d’adopter un style de vie qui constitue une alternative réaliste, puissante et attrayante au consumérisme.
Depuis des décennies, nous soumettons la planète aux conséquences de tous les superlatifs : surexploitations, suralimentation, surconsommation (consumérisme), surdimensionnement, surpopulation, super-profits ….. sans avoir le réel souci des déséquilibres que génèrent nos modes de vie.
Il paraît inconcevable et surtout profondément désolant que dans un monde dit évolué, des analyses de risques ne soient pas mises en œuvre de manière performante pour mesurer l’impact des enjeux ;
Si des alertes ont été lancées et font la trame de toutes les COP, il s’avère que les inquiétudes qui sont brandies restent bien souvent au niveau de postures moralistes au plan des actions des Etats dans la mesure où leurs intérêts financiers et / ou leurs volontés de pouvoir et de domination pourraient être altérés.
Les résultats de l’agriculture industrielle provoquent une destruction massive et rapide de la biosphère remplaçant le vivant par l’usage de techniques appauvrissantes mais encouragées par un gaspillage insensé.
De ces conditions d’exploitation résultent des produits alimentaires qui, à force de cultures artificielles ont des impacts importants sur la santé générant souffrances et handicaps.
A ce mal être, directement lié à la “mal-bouffe ‘‘ il faut ajouter, au plan économique, des coûts financiers réels en matière de santé publique et mobiliser des équipes de chercheurs pour trouver remèdes et traitements aux propres maux que nous avons créés.
La rémanence des comportements marquerait-elle une abdication de l’intelligence ?
C’est à croire que les préoccupations écologiques des nations se résument à des coups de communications intempestifs qui sont organisés aux bénéfices de leurs dirigeants respectifs.
Le “One Planet Summit ‘‘ qui s’est tenu à Boulogne-Billancourt est un vaste “planéthon » dont l’objet est d’alimenter financièrement le « fonds vert pour le climat » dont la mise en place a été décidée lors de la COP 21, en décembre 2015, il ya déjà deux ans.
Fonds qui devrait permettre de constituer une réserve financière de 100 milliards d’euros / an !
On ne peut pas dire qu’il y est réel empressement d’agir ! Même s’il faut encore espérer dans la volonté des chefs d’Etats et sans doute des grandes entreprises privées, il demeure que 131 personnes meurent chaque jour des effets de la pollution, sachant qu’il faut investir 6 fois plus pour traiter les effets de l’exploitation des énergies fossiles sur les populations que pour l’exploitation elle-même de ces ressources.
Les ‘‘ grands “ spécialistes de l’économie auraient dû dénoncer ces mesures aberrantes depuis bien longtemps, mais cela aurait sans doute restreint les profits qu’empochent sans scrupule les grands exploitants !
Dans un contexte où les activités humaines malmènent, maltraitent voir détruisent la biodiversité depuis tant d’années, l’homme devra sa survie à une alimentation plus saine qui préservera sa santé et son équilibre des produits empoisonnés par les herbicides comme la glyphosate, et les pesticides qui facilitent certes les travaux agricoles mais dégradent fortement et rapidement les écosystèmes : désertification, pillage des forêts primaires, disparitions des récifs coralliens, fontes des glaces polaires, montée du niveau des océans, exploitation encore massives des énergies fossiles… Sommes-nous ‘‘ en train de perdre la bataille “ contre le réchauffement climatique ? Les financements verts suffiront-ils pour donner au vivant ses droits fondamentaux ?
L’homme ne créée pas la terre, il l’utilise et l’exploite jusqu’à l’épuisement. Elle est pourtant cette terre nourricière qui devrait lui permettre de s’alimenter sainement en favorisant les circuits cours qui permettent de maîtriser la consommation en fonction de nos besoins alimentaires réels et de l’adapter aux produits des saisons. Les marchands des 4 saisons respectaient autrefois, cette évidente réalité.
Face à une situation mondiale où les problématiques écologiques se résument à l’équation effets d’annonces/objectifs à atteindre/actions, le facteur actions est faiblement inexistant alors qu’il devrait inspirer l’urgence de dynamiques prioritaires.
Cependant, échappant à cet état mondial affligeant, des démarches et des initiatives, s’inspirant de savoirs ancestraux voire millénaires ont pris racine dans des consciences humanistes.
La culture permanente ou permaculture est une voie d’espoir dans la mesure ou elle constitue une alternative véritable une agriculture industrielle, chimique et artificielle.
La permaculture s’inspire directement de la nature par l’analyse du fonctionnement des écosystèmes naturels. Ces écosystèmes sont durables, autonomes, résilients.
Chaque écosystème fonctionne de manière largement autonome en apportant sa contribution à l’ensemble de la biosphère.
Rappelons qu’un écosystème est composé de deux éléments essentiels
– la biocénose qui regroupe des êtres vivants ;
– le biotope, qui définit le milieu et qui évolue en fonction de conditions climatiques (humidité, sol, air, rayonnement solaire, lumière, températures), de conditions géologiques (caractéristiques du sol) et de conditions hydrologiques (eaux souterraines, pluviosité).
Le système est formé naturellement et tend à être stable :
les espèces vivantes (biocénose) interagissent et exploitent les apports du biotope.
Fondée sur une observation de la nature, la permaculture renvoie à un niveau paradigme (modèle) qui devrait conduire à restaurer le potentiel de fertilité de la terre et à concevoir des installations humaines qui s’organisent et fonctionnent comme des écosystèmes naturels.
Dans leurs livre intitulé ‘‘ Permaculture “ Perrine et Charles Hervé – Gruyer ont listé des principes fondamentaux issus de l’observation des écosystèmes :
– Dans la nature, tout est relié ;
– Les écosystèmes fonctionnent en boucle ;
– Chaque élément profite aux autres et reçoit d’eux ;
– Les déchets de l’un sont la ressource de l’autre ;
– Tout est recyclé ;
– Chaque fonction importante est remplie par plusieurs éléments et chaque élément remplit potentiellement plusieurs fonctions ;
– Le tout est plus que la somme des parties ;
– Chaque écosystème fonctionne de manière largement autonome et apporte une contribution à l’ensemble de la biosphère.
En intégrant ces différents principes dans son concept, (les anglo-saxons parlent aussi de design permaculturel), l’approche proposée par la permaculture est bio-inspirée.
La permaculture renvoie à une démarche d’observation et de réflexion qui permet d’organiser le vivant et de positionner de manière subtile les éléments d’un système afin qu’il puisse interagir.
Ainsi élaboré le système sera plus économe en énergie, demandera moins d’efforts pour fonctionner tout en étant plus productif.
On pourrait dire qu’il s’autoalimente.
Ces principes sont complétés par par les méthodes de l’agriculture biologique qui n’utilise pas de molécules de synthèse comme les engrais, les désherbants et les pesticides. Elle répond à des normes exigeantes qui visent au respect des animaux, des végétaux et des agro systèmes.
La permaculture est également inspirée de l’agro écologie qui s’attache à des considérations écologiques et sociales dont l’objectif est de subvenir aux besoins alimentaires des populations en respectant les agriculteurs et la nature. En ce sens la permaculture a une visée humaniste. Si la permaculture s’appuie sur des techniques agricoles respectueuses de la nature, et de l’environnement, le bien-fondé dès cette démarche vise avant tout à créer un système durable résilient et autonome face à la destruction de la biosphère.
Il s’agit donc de fournir à l’humain une nourriture saine mais aussi des lieux de vie harmonieux tout en restaurant un vrai sens du partage des ressources entre les différentes collectivités humaines. En cela, la permaculture est sous –tendue par une véritable éthique.
Dans son ouvrage ‘’2030, le krach écologique’’ Geneviève Ferone écrivait déjà en 2008 : ‘’Nous ne connaîtrons pas de décroissance démographique dans les vingt prochaines années, sauf catastrophe planétaire. Bien au contraire, la planète va enregistrer une progression inégalée. Nous serons donc plus de 7 milliards sur une terre appauvrie en 2030 soumis à des réalités économiques très contrastées et des tensions sociales exacerbées’’.
Plus récemment, le FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) estimait que ‘’la production alimentaire mondiale devrait augmenter de 70 à100 % par rapport aux niveaux actuels, d’ici à 2050 si l’on entend répondre aux besoins alimentaires d’une population croissante’’.
Ce défi alimentaire est colossal dans la mesure où il correspond à la nécessité de satisfaire des besoins vitaux. Face à l’ampleur de cet enjeu, notre système agricole, qui utilise de manière débridée les ressources en pétrole, ne peut répondre à l’ensemble des besoins alimentaires de la planète puisque 842 millions d’humains souffrent de la fin quand d’autres meurent de faim.
Ainsi, l’agriculture industrialisée et mondialisée pourrait rapidement montrer ses limites dans un contexte géopolitique tendu qui contribuerait à une raréfaction rapide des réserves qu’elles soient énergétiques ou alimentaires. Les secondes dépendant des premières selon le modèle actuellement retenu.
Il est donc grand temps de promouvoir une transition vers une agriculture bio-inspirée qui peut permettre de nourrir durablement l’humanité.
Au cours des années 1920, un jeune jardinier anglais, Alan Chadwick, recense les meilleures méthodes en matière d’horticulture et se forme auprès d’anciens maraîchers parisiens qui ont élaboré, au cours du 19° siècle des techniques de production maraîchère intensive permettant à la capitale de vivre en autosuffisance en légumes et fruits frais produits en toutes saisons.
L’excellence de ces méthodes qui n’avaient recours à aucune forme de mécanisation et sans consommation d’énergie fossile permettait de réaliser jusqu’à 8 à 9 rotations de cultures par an.
Ces jardiniers-maraîchers étaient sans doute héritiers de l’art et des cultures légumières réalisées par La Quintinie, maître jardinier au château de Versailles, qui expérimenta, dans le potager du roi, la culture sous châssis.
Un siècle plus tard (1780), cette pratique fut reprise par Fournier ce qui lui a permis de réaliser sous abri, à l’aide d’une source de chaleur, des cultures forcées.
En 1845 les cultures vivrières, dans l’enceinte de Paris, couvraient environ 1378 hectares déboisés en 1800 jardins. Chaque jardin mesurait près de 1900 M²
La station ‘’Maraichers’’ ouverte en 1933 sur la ligne 9 du métro parisien, rend hommage aux nombreux maraîchers des collines de Belleville et de Montreuil.
L’excellence des méthodes de ces jardiniers- maraîchers servent encore de référence et ont été répertoriées et détaillées dans un premier ouvrage intitulé ‘’ Manuel pratique de la culture maraîchère à Paris’’, publié en 1845, par Moreau et Daverne.
Le nom de ‘’marais’’, donné à leurs jardins se rattachait à l’époque où les cultures légumières étaient réalisées en zone humide.
Les contraintes, liées à l’urbanisation croissante, reposaient principalement sur l’accroissement du prix du foncier qui réduisait les espaces de culture et repoussait progressivement les maraîchers vers la périphérie.
Afin de conserver leur compétitivité économique, les jardiniers-maraîchers parisiens ont développé un niveau d’expertise inégalé, en se fixant deux objectifs : produire toute l’année et produire davantage par unité de surface.
Ces grands ‘’précurseurs’’ de la permaculture ‘’créaient du sol’’ en lui apportant les fertilisants adaptés à leurs cultures et notamment par la décomposition du fumier, dont la production était à l’époque surabondante en raison de la traction hippomobile (chevaux) qui était la norme de Paris.
A cet usage du fumier s’ajoutait des apports au compost, qui était répandu sous forme de terreau sur les semis et des apports de paillage entre les plants contribuaient à améliorer la fertilité du sol et à soutenir ainsi l’énorme production vivrière au cœur de la capitale.
Au soin extrême apporté par les jardiniers- maraîchers à leur terre, ces orfèvres du sol, savaient élaborer des stratégies de culture leur permettant d’associer sur une seule petite parcelle différentes plantes évoluant selon des durées de croissance différenciées.
S’ajoutent à ces expertises de cultures d’importantes contraintes de manutention pour déplacer et régler cloches et châssis. Toutes ces pratiques, coûteuses en efforts humains mobilisaient une main-d’œuvre généreuse qui contribuait à des résultats d’une très haute efficacité.
Face aux dégradations sociétales qui sont dues à la crise économique, aux dérives écologiques et aux inégalités sociales, notamment en matière de qualité alimentaire et de santé, la réussite des jardiniers-maraîchers parisiens et l’excellence de leurs méthodes pourraient inspirer des solutions d’avenir pour subvenir aussi localement que possible aux besoins de nos communautés humaine afin de relocaliser la production vivrière au cœur des villes. La raréfaction des énergies fossiles et la lutte contre le réchauffement climatique ne permettront plus aux productions agricoles de voyager d’un bout à l’autre de la planète.
Comme le laisse supposer les quelques lignes qui précèdent, les solutions de demain pour alimenter la planète ne viendront pas des grandes exploitations très consommatrices d’énergie et qui nécessitent une forte mécanisation et des moyens de stockage, de conservation, de transformation, d’emballage, de marketing, de distribution, de transport…
Ces circuits longs sont certes énergivores mais ils contribuent surtout à détruire le potentiel de fertilité des sols par le passage d’engins mécaniques lourds et l’usage de produits chimiques.

Les produits issus de cette agriculture peu naturelle sont souvent stockés longtemps après récolte.
Les modes de transformation, leur raffinage, leur congélation et enfin leur cuisson souvent au micro-ondes retirent toute l’énergie vitale de ces produits qui devraient être source de bienfaits pour notre bien être et notre santé.
‘’ La solution ne viendra pas d’en haut, de grands programmes financés à coups de milliards. Elle viendra des citoyens, d’une floraison d’initiatives locales et décentralisées’’ comme le souligne Charles Hervé -Gruyer dans son livre ‘’Permaculture’’ !
Récemment le maire d’une commune de Lorraine affirmait qu’il était nécessaire d’encourager les communes de France à viser l’autosuffisance alimentaire.
La permaculture peut répondre à cet objectif.
La culture sur buttes permanentes qu’elle préconise ne déstructure pas le sol et maintient son potentiel de fertilité. Le sol est recouvert d’un paillis ou mulch qui évite que les éléments fertiles du sol soient lessivés, et réduit le désherbage.
Les réserves d’eau du sol sont ainsi protégées de l’évaporation et la décomposition de cette litière végétale réalise un véritable compostage en place
Ces principes simples qui correspondent à un système cohérent de culture se déclinent dans leur complexité et doivent être adaptés à chaque lieu de culture.
La permaculture est une science et un art.
Elle nécessite une l’acquisition de connaissances et de savoirs et bien souvent sa complexité conduit au recours d’experts. Les choix initiaux qui président à l’installation d’une ferme permaculturelle sont déterminants.
Il existe d’ailleurs une université populaire de permaculture, UPP, qui fait partie du réseau mondial des centres de formation en permaculture et du réseau permacole français.
C’est un réseau décentralisé de concepteurs / formateurs et de lieux de formation et d’expérimentation.
Sa vocation est de promouvoir la permaculture et de participer par son enseignement à son développement dans le monde francophone.